Éditorial

UNI.E.S DANS LA SCIENCE… POUR LE CLIMAT

Le titre allait de soi pour un éditorial dans une revue comme Le Climatoscope consacrée à la diffusion de la recherche scientifique dans le domaine des changements climatiques. La communauté scientifique est en effet unie dans la science par un large consensus entourant la gravité de cette transformation climatique et par une collaboration exceptionnelle couvrant les multiples aspects de cette problématique. Et elle est également unie pour le climat, dans une démarche consistant à identifier des voies de passage contribuant à limiter ce risque de désastre écologique et humain. Nous avons donc conclu que nous allions écrire cet éditorial sur un ton positif !

Le titre fait également référence au rapport United in Science 2021 publié par l’Organisation météorologique mondiale (OMM, 2021). Ce rapport illustre bien cette collaboration puisqu’il a été réalisé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le Projet mondial sur le carbone, le Programme mondial de recherche sur le climat et le Met Office du Royaume-Uni. Ces organisations présentent, collectivement, le constat scientifique sur l’urgence climatique.

Dans l’avant-propos du rapport, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, expose la gravité de la situation : « Nous restons très en retard sur les objectifs de l’Accord de Paris. Cette année, les émissions émanant de combustibles fossiles ont rebondi, les concentrations de gaz à effet de serre ont continué à augmenter et de graves phénomènes météorologiques amplifiés par les activités humaines ont affecté la santé, les vies et les moyens de subsistance des populations de chaque continent. À moins d’une réduction immédiate, rapide et à grande échelle des émissions de gaz à effet de serre, il sera impossible de limiter le réchauffement à 1,5 °C, ce qui aura des conséquences catastrophiques pour les populations et la planète dont nous dépendons ».

Sur une note plus optimiste, le rapport mentionne que : « L’un des développements les plus importants et les plus encourageants de la politique climatique de 2020 est le nombre croissant de pays qui se sont engagés à atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici le milieu du siècle […]. Pour faire des progrès significatifs vers la réalisation de l’objectif à long terme de l’Accord de Paris d’ici 2030, deux étapes sont requises de toute urgence. Premièrement, davantage de pays doivent élaborer des stratégies à long terme conformes à l’Accord de Paris; et deuxièmement, les engagements nets zéro doivent être traduits en politiques et actions fortes à court terme et reflétés dans les CDN de 2030. La manière dont les pays choisissent de concevoir et de mettre en oeuvre les plans de relance COVID-19 est susceptible d’être cruciale dans ce contexte » (OMM, 2021 p. 30).

Cet appel commun de plusieurs organismes se retrouve également de façon éloquente dans la décision de plus de 200 revues scientifiques du domaine de la santé de publier conjointement un éditorial démontrant là aussi l’ampleur de ces perturbations et leurs implications majeures sur la santé. Le constat est clair : « La plus grande menace pour la santé publique mondiale est l’échec continu des dirigeants mondiaux à maintenir la hausse de la température mondiale en dessous de 1,5 °C et à restaurer la nature » (The Lancet, 2021).

Cette collaboration scientifique s’illustre également dans le rapport conjoint de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et du GIEC, sur la biodiversité et les changements climatiques paru en 2021. Bien que ces deux grandes priorités soient généralement traitées en parallèle, une approche plus coordonnée peut être porteuse puisque des politiques de réduction des émissions ambitieuses de GES permettent de protéger la biodiversité et les contributions apportées par la nature permettent d’atténuer le changement climatique (IPBES, 2021).

Des rapports du GIEC à ceux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l’OMS, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale ou de la Commission mondiale sur l’économie et le climat, un large consensus scientifique se dessine sur les risques climatiques. Cette modification du climat mondial, causée par l’activité humaine, engendre ou contribue à accentuer les principaux phénomènes climatiques en plus de contribuer fortement à la dégradation de la biodiversité.

Les contributions scientifiques, dont notamment le rapport spécial du GIEC en 2018, aura ainsi permis de comprendre que : « toute augmentation supplémentaire de la température, aussi minime soit-elle, a son importance, d’autant plus qu’un réchauffement de 1,5 °C ou plus augmentera le risque associé à des changements pérennes ou irréversibles, tels que la disparition de certains écosystèmes » (GIEC, 2018).

L’ensemble de ces synthèses scientifiques nous confronte à une réalité qui heureusement n’est pas inéluctable. Pour Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe de travail I du GIEC : « nous avons aujourd’hui une image beaucoup plus claire du climat passé, présent et futur, ce qui est essentiel pour comprendre ce vers quoi nous allons, ce qui peut être fait et comment nous préparer » (GIEC, 2021). Dans ce contexte, les travaux du GIEC et notamment le rapport de 2021, contribuent à préciser les limites physiques à ne pas dépasser. Pour se conformer à l’objectif de l’Accord de Paris visant à « poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C », nous disposons collectivement d’un budget résiduel de carbone limité à 500 Gt de CO2, un niveau qui sera atteint dès la décennie 2030 au rythme actuel. La voie de passage vers le respect de cet objectif est donc très étroite, mais toujours possible. Elle passe inévitablement par une transformation complète de notre système énergétique pour atteindre, en trois décennies, une neutralité carbone.

De plus, le rapport spécial de l’Agence internationale de l’Énergie (AIE), « Net Zero by 2050. A Roadmap for the Global Energy Sector » décrit une trajectoire techniquement et économiquement faisable pour atteindre cette neutralité carbone. Les réductions des émissions devant être effectuées d’ici 2030 proviennent dans l’ensemble de technologies facilement disponibles. Mais ensuite, près de la moitié des réductions devra provenir de technologies qui n’en sont actuellement qu’à la phase de démonstration ou de prototype. « Cela exige que les gouvernements augmentent et redéfinissent rapidement leurs dépenses en recherche et développement – ainsi que pour la démonstration et le déploiement de technologies énergétiques propres – en les plaçant au cœur de la politique énergétique et climatique » (Agence internationale de l’énergie, 2021).

Cette mobilisation de la communauté scientifique sera donc encore plus essentielle dans les prochaines années afin de réaliser cette transition vers une économie carboneutre et de mettre en œuvre les mesures d’adaptation adéquates pour limiter les impacts actuels et futurs des perturbations climatiques. L’ampleur de cette recherche consacrée au climat s’illustre notamment par la décision de l’Union européenne d’investir « jusqu’à 35 % de son budget Horizon Europe de 95,5 milliards d’euros dans la recherche et l’innovation pour lutter contre le changement climatique » (Commission européenne, 2021).

Cette mobilisation de la communauté scientifique est bien sûr insuffisante pour relever, seule, cette transformation de nos sociétés. Elle se double heureusement d’une mobilisation citoyenne majeure, notamment au niveau de la jeunesse, qui contribue à faire de cet enjeu une priorité nationale et internationale en s’alimentant de ce consensus scientifique. De nombreux acteurs du milieu économique et financier contribuent également à mettre en oeuvre cette nouvelle économie reposant sur la neutralité carbone en déployant l’innovation nécessaire à cette transition. Les différents paliers de gouvernements ont aussi un rôle fondamental à jouer. Ainsi, comme le rappelle l’AIE : « Les initiatives émanant des particuliers, de la société civile, des entreprises et des investisseurs sont déterminantes, mais ce sont les gouvernements qui disposent de la plus grande capacité à façonner notre destin énergétique. Ce sont eux qui fixent les conditions qui déterminent les innovations et les investissements dans le secteur de l’énergie. C’est vers eux que le monde se tourne pour obtenir des signaux clairs et une orientation sans équivoque quant à la trajectoire à suivre » (Agence internationale de l’énergie, 2019).

Dans cette gestion gouvernementale, la communauté scientifique est également amenée à jouer un rôle de mieux en mieux reconnu. Ainsi, à l’instar du Royaume-Uni qui a créé dès 2008 le Climate Change Committee, la France s’est dotée également en 2018 d’un comité scientifique indépendant, le Haut conseil pour le climat, chargé d’émettre des avis et recommandations sur la mise en oeuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de GES (Haut conseil pour le climat, 2021). Le Québec a fait de même en 2020, à la suite de l’adoption de la loi 44, avec la création du Comité consultatif sur les changements climatiques (Gouvernement du Québec, 2020). Plus récemment, l’Union européenne s’est également dotée d’un Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique. Pour l’Union européenne, ces comités « peuvent jouer un rôle important, en fournissant notamment des avis scientifiques spécialisés sur la politique climatique aux autorités nationales compétentes » (Union européenne, 2021).

La communauté scientifique aura été, est et sera encore plus interpellée, à travers toutes les disciplines, à contribuer à la conception de voies d’avenir permettant de mieux concrétiser cette lutte contre les changements climatiques. Face à cette menace existentielle, le défi reste colossal. Mais promouvoir des démarches basées sur la science qui alimenteront le débat démocratique ne peut que maximiser nos chances de définir adéquatement ces étroites voies de transition nous menant, en trois petites décennies, à des sociétés neutres en carbone et résilientes.

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