Perspectives

« Alerte rouge pour l’humanité » : ce qu’il faut retenir du plus récent rapport du GIEC

Le 9 août 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le premier volet de son 6e Rapport d’évaluation sur les changements climatiques. Intitulé Changement climatique : les éléments scientifiques, cette publication expose les connaissances scientifiques les plus à jour sur le système climatique et les changements climatiques. Il sera suivi du volet «  Conséquences, adaptation et vulnérabilité  » en février 2022 et du volet «  Atténuation  » en mars 2022.

Qualifié d’«  alerte rouge pour l’humanité  » par le Secrétaire général des Nations Unies, ce rapport dresse un portrait sombre et inquiétant du monde de demain si nous ne parvenions pas à réduire immédiatement, rapidement et massivement les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).

À la lumière des bouleversements climatiques actuels et à venir, il est essentiel de comprendre la teneur et les implications de ce rapport. Dans ce court texte, nous présentons cinq éléments à retenir de ce premier volet du 6e Rapport d’évaluation du GIEC :

  1. La Terre se réchauffe et la responsabilité humaine est sans équivoque ;
  2. Le réchauffement climatique affecte déjà toutes les régions du monde ;
  3. Selon tous les scénarios envisagés, la Terre continuera de se réchauffer ;
  4. Plus la Terre se réchauffera, plus les conséquences seront importantes ; et
  5. Limiter la hausse des températures est toujours possible.

Cette lecture en cinq points du rapport du GIEC permet de comprendre l’évolution dangereuse du climat causée par les activités humaines et de constater l’ampleur du travail à accomplir pour éviter le pire.

La Terre se réchauffe et la responsabilité humaine est sans équivoque

Dès les premières pages du rapport, les experts du GIEC sont sans équivoque : le rôle des activités humaines dans le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des surfaces terrestres est « incontestable » (IPCC, 2021, p. 5). Depuis l’ère préindustrielle, les activités humaines, et nommément l’utilisation de combustibles fossiles et la déforestation, ont mené à l’augmentation des concentrations de GES dans l’atmosphère, ce qui a réchauffé la planète. La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1,07  °C depuis 1850-1900, et chacune des quatre dernières décennies a été successivement plus chaude que sa précédente, et ce, depuis 1850.

Comme l’illustre la Figure 1, ce réchauffement planétaire est sans précédent depuis au moins les 2000 dernières années (a) et les activités humaines en sont les principales responsables (b).

Figure 1. Changements de la température mondiale par rapport à 1850-1900. Source : IPCC, 2021.

Le réchauffement climatique affecte déjà toutes les régions du monde

Le réchauffement de la planète a causé plusieurs changements rapides et généralisés dans l’atmosphère, les océans, la cryosphère et la biosphère. Notons notamment le recul global des glaciers, la diminution de la superficie de la banquise arctique, la diminution de la couverture neigeuse printanière dans l’hémisphère nord, la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, le réchauffement de la couche supérieure des océans et l’augmentation globale du niveau de la mer (IPCC, 2021, p. 6).

Depuis les années 1950, les vagues de chaleur, les sécheresses et les pluies intenses ont augmenté en nombre et en intensité dans la plupart des régions du monde (IPCC, 2021, p. 10-13). La fréquence des évènements météorologiques extrêmes combinés a aussi augmenté, comme les vagues de chaleur et sécheresses simultanées, les feux de forêt causés par du temps chaud, sec et venteux ou encore les inondations causées par des tempêtes et des pluies intenses. Par ailleurs, les cyclones tropicaux de force majeure (catégories 3-5) ont connu une augmentation depuis les 40 dernières années. Les vagues de froid extrême sont quant à elles moins fréquentes et moins intenses depuis les années 1950.

Selon tous les scénarios envisagés, la Terre continuera de se réchauffer

Le rapport du GIEC présente cinq scénarios possibles des émissions mondiales de GES à l’horizon de 2100, du moins émetteur au plus émetteur (voir Tableau 1).

Même dans le scénario le plus optimiste (SSP1-1.9  : réduction immédiate et drastique des émissions et carboneutralité vers 2050), la température risque d’atteindre, voire de dépasser la barre du +1,5  °C par rapport à l’ère préindustrielle d’ici les dix à vingt prochaines années. La température pourrait ensuite diminuer vers la fin du siècle.

Selon les scénarios plus pessimistes (SSP3-7.0 et SSP5-8.5  : augmentation des émissions), le réchauffement climatique pourrait même atteindre des niveaux extrêmes (et catastrophiques) de +3,6 °C à +4,4 °C, d’ici la fin du siècle.

Tableau 1. Changements de la température mondiale selon cinq scénarios d’émissions.
Source : Adapté de IPCC, 2021, p. 18.

Plus la Terre se réchauffera, plus les conséquences seront importantes

Il existe une relation directe entre le réchauffement du climat et l’amplification des changements climatiques. Même avec un réchauffement de 1,5  °C, il y aura plus de vagues de chaleur, les saisons chaudes seront plus longues et les saisons froides seront écourtées (GIEC, 2021, p. 2).

Selon les experts du GIEC, chaque augmentation supplémentaire du réchauffement climatique mènera notamment à une :

  • Augmentation de l’intensité et de la fréquence des extrêmes de chaleur, y compris des vagues de chaleur, des précipitations intenses, ainsi que des sécheresses agricoles et écologiques dans certaines régions;
  • Augmentation de la fréquence des vagues de chaleur océaniques ;
  • Augmentation de la proportion des cyclones tropicaux de catégories 4 et 5 ;
  • Amplification du dégel du pergélisol et de la perte de la couverture neigeuse saisonnière, de la glace terrestre et de la glace de mer arctique ;
  • Intensification des évènements climatiques très humides et très secs pouvant provoquer inondations et sécheresses ; et
  • Diminution de l’efficacité des puits de carbone naturels, jusqu’à une possible saturation (IPCC, 2021, p. 19-26).

Ces conséquences varieront selon les régions, mais toutes les régions du monde seront affectées. Certains changements, comme le réchauffement et l’acidification des océans, la fonte des glaciers, la perte de carbone du pergélisol à la suite de son dégel ou encore l’élévation du niveau de la mer seront irréversibles pendant des siècles, voire des millénaires (IPCC, 2021, p. 28).

Limiter la hausse des températures est toujours possible

Selon le GIEC, il est toujours possible de limiter le réchauffement climatique de sorte à éviter les impacts catastrophiques des changements climatiques. À cet égard, seules les trajectoires d’émissions compatibles avec un réchauffement limité à 1,5 °C et en dessous de 2  °C (voir scénarios SSP1-1.9 et SSP1-2.6 du Tableau 1) sont compatibles avec l’Accord de Paris et permettront de limiter les fortes précipitations et les inondations, le dépassement des seuils de chaleur dangereux ainsi que l’augmentation de la fréquence des phénomènes extrêmes liés à l’élévation du niveau de la mer (IPCC, 2021, p. 40-41).

Comme présenté à la Figure 2, limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 °C (trait bleu foncé) exigerait une réduction immédiate et soutenue des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et l’atteinte de la carboneutralité vers 2075-2080. Le limiter à 1,5 °C (trait bleu pâle) exigerait plutôt une réduction immédiate, rapide et massive des émissions mondiales de CO2 (environ de moitié d’ici 2030), puis l’atteinte de la carboneutralité vers 2050.

Figure 2. Évolution des émissions mondiales de CO2 selon les cinq scénarios d’émissions (GtCO2 par année). Source : IPCC, 2021, p. 16.

Conclusion

En adoptant l’Accord de Paris en 2015, la communauté internationale s’est engagée à déployer des efforts pour contenir le réchauffement climatique en dessous de 2  °C, voire à 1,5  °C (Accord de Paris, 2015, art. 2.1). Or, ce premier volet du 6e Rapport d’évaluation du GIEC est un dur rappel à la réalité : un écart immense sépare l’action politique actuelle de ce qui est nécessaire pour limiter le réchauffement climatique, surtout à 1,5  °C. Selon les trajectoires des émissions mondiales de GES actuelles, nous nous dirigeons droit vers un dépassement du seuil des 3  °C (PNUE, 2020, p. 11).

En novembre 2021, lors de la 26e Conférence des Parties (CdP) à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, les gouvernements devront arriver à la table des négociations avec des engagements plus ambitieux de réduction des émissions de GES. À cette occasion, il sera essentiel de viser le seuil de 1,5  °C si nous souhaitons collectivement limiter les pires impacts des changements climatiques. Pour ce faire, les gouvernements devront cibler une diminution de moitié de leurs émissions de GES d’ici la fin de la décennie et viser la carboneutralité vers 2050.

Atteindre la carboneutralité vers 2050 est possible, mais exigera des changements profonds dans la manière dont nous consommons notre énergie. Actuellement, les combustibles fossiles (c.-à-d. : charbon, pétrole et gaz naturel) répondent à environ 80 % de nos besoins en énergie (AIE, 2021, p. 57). Pour devenir carboneutre en 2050, cette part devra passer à 20 %. Cela n’exigera rien de moins qu’une mise au rencart de tout nouveau champ pétrolier ou gazier, et de toute nouvelle mine de charbon au-delà des projets déjà sur les rails aujourd’hui, estime l’Agence internationale de l’énergie (AIE, 2021, p. 21).

En définitive, rappelons que, même en limitant le réchauffement climatique à 1,5 °C, les évènements météorologiques extrêmes s’intensifieront dans toutes les régions du monde. Et donc, au-delà des efforts de réduction des émissions de GES, des efforts gigantesques devront être déployés à tous les paliers gouvernementaux pour permettre aux communautés, surtout aux plus vulnérables, de s’adapter aux impacts des changements climatiques. Mais pour l’instant, l’adaptation demeure l’enfant pauvre de la lutte contre les changements climatiques. L’alerte rouge sonne fort… très fort?!

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