Changements climatiques et perte de biodiversité à l’échelle planétaire

Un compte rendu critique par Simon Beaudoin
Chargé de cours
Université de Sherbrooke

Pour accéder à l’ouvrage original:
Habibullah, M. S., Din, B. H., Tan, S.-H., & Zahid, H. (2022). Impact of climate change on biodiversity loss : Global evidence. Environmental Science and Pollution Research, 29(1), 1073‑1086. https://doi.org/10.1007/s11356-021-15702-8

ACCÉLÉRATION DE LA PERTE DE BIODIVERSITÉ

L’étude d’Habibullah et ses collègues (2022), s’interroge sur les principaux facteurs contribuant à l’appauvrissement actuel de la diversité biologique, ou biodiversité, qui fait référence à la diversité de la faune, de la flore et des écosystèmes de la planète (UN, 1992, p. 3). Depuis déjà plusieurs décennies, la perte de biodiversité s’accélère à un rythme alarmant : 1 million d’espèces sont désormais menacées d’extinction (IPBES, 2019). Comme résultat, le taux d’extinction de la faune et la flore a atteint des niveaux inégalés. Malgré les efforts déployés pour renverser la tendance, notamment avec la création de la Convention sur la diversité biologique (CDB) en 1992, le nombre d’espèces de plantes, d’amphibiens, d’oiseaux, de poissons, de mollusques, de mammifères, d’insectes et de reptiles décroît et plusieurs écosystèmes et habitats subissent de profondes dégradations.
La synthèse des connaissances sur la question offerte par le plus récent rapport de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) dénombre les facteurs suivants comme les plus importants : les changements climatiques, la pollution, les changements dans l’utilisation des terres et des mers, l’exploitation directe des organismes et les espèces exotiques envahissantes (IPBES, 2019).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES ET PERTE DE BIODIVERSITÉ

Face à cette situation alarmante, l’étude menée par Habibullah et ses collègues, plus spécifiquement, vise à identifier le rôle de l’accroissement de la température, des changements de précipitation et de l’augmentation de la fréquence et de l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes sur le nombre total d’espèces menacées d’amphibiens, de mammifères, de mollusques, de poissons, d’oiseaux, de reptiles et de plantes.
Pour ce faire, les auteurs ont compilé les informations de 115 pays pour les années 2011 et 2016 à partir des banques de données offertes par de nombreuses organisations, telles que l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et la Banque mondiale. Par exemple, les données mondiales sur le nombre total d’espèces menacées sont tirées de la Liste rouge publiée par l’UICN. Les deux variables d’intérêts principales, soit la biodiversité et les changements climatiques, sont respectivement associées au nombre d’espèces menacées d’amphibiens, de mammifères, de mollusques, de poissons, d’oiseaux, de reptiles et de plantes et à la température, les précipitations et les catastrophes naturelles. Des analyses de régression permettent aux auteurs de quantifier les liens entre les variables étudiées. À titre de variables de contrôle, les auteurs ont inclus des indicateurs relatifs aux niveaux de développement économique et de gouvernance des pays (Habibullah et al., 2022).

FACTEURS EXPLICATIFS ÉTUDIÉS

Les résultats de l’étude indiquent que les trois variables utilisées pour évaluer les impacts des changements climatiques, soit les changements de température, de précipitation et du nombre de catastrophes naturelles, accentuent la perte de biodiversité. Les précipitations et les changements de température semblent avoir un impact plus important sur l’augmentation du nombre d’espèces menacées, suivies par la fréquence et l’ampleur des catastrophes naturelles. Les résultats suggèrent ainsi de ne pas simplement accorder une attention aux changements de température dans l’étude des impacts environnementaux des changements climatiques, mais aussi d’inclure les nombreuses autres implications de ceux-ci sur l’état et la santé de la biosphère. De plus, les deux variables de contrôle étudiées présentent des liens avec la perte de biodiversité. D’un côté, un développement économique plus conséquent semble contribuer à l’augmentation de la perte de biodiversité. En moyenne, l’augmentation de 1 % du produit intérieur brut (PIB) d’un pays mène à une augmentation du nombre d’espèces menacées de 0,19 à 0,32 %. De l’autre côté, un niveau de gouvernance plus élevé, mesuré à partir du niveau de corruption, de la qualité des réglementations environnementales et de mise en œuvre des réglementations, réduirait la perte de biodiversité. Selon les analyses des auteurs, une augmentation de 1 % du niveau de « bonne gouvernance » mènerait en moyenne à une réduction du nombre d’espèces menancées de 0,45 %. En somme, les constats de l’étude suggèrent que l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, la promotion de réglementations visant la conservation de l’environnement et la mise en place de bonnes pratiques de gouvernance sont des facteurs contribuant à atténuer la perte de biodiversité.

VERS DES POLITIQUES ET PLANS D’ACTION INTÉGRÉS

Les résultats de l’étude menée par Habidullah et ses collègues sont utiles pour formuler des politiques et des plans d’action adaptés aux enjeux environnementaux contemporains. En effet, en illustrant les liens unissant les changements climatiques et la perte de biodiversité, les résultats encouragent l’élaboration et la mise en œuvre de solutions compréhensives et dépassant les approches en silos. Ils démontrent que les politiques visant à intégrer les considérations environnementales relatives aux changements climatiques peuvent non seulement être bénéfiques pour faire face aux conséquences sociales et environnementales de ces derniers, mais aussi pour contrer la perte de biodiversité. De plus, les résultats invitent à reconsidérer la notion de développement économique pour inclure la santé des écosystèmes, de la faune et de la flore de la planète. Un développement s’opérant aux dépens de ceux-ci ne semble pas profitable, ni pour la planète et ses habitants, ni pour les générations futures. Finalement, les résultats montrent que la promotion de pratiques de gouvernance bénéfiques, incluant le contrôle de la corruption et la mise en place de réglementations adéquates, est porteuse pour renverser la perte de biodiversité.


Pour citer ce compte rendu

Beaudoin, S. (2023). « Changements climatiques et perte de biodiversité à l’échelle planétaire ». Compte rendu critique de l’article de Habibullah, M. S., Din, B. H., Tan, S.-H., & Zahid, H. (2022). Impact of climate change on biodiversity loss : Global evidence, Le Climatoscope – Les comptes rendus ClimActualité, Automne 2023, no. 2. URL https://climatoscope.ca/actualite/changements-climatiques-et-perte-de-biodiversite-a-lechelle-planetaire/

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