En 30 ans, la moitié des lacs de la planète se sont asséchés

Un compte rendu critique par Lucile Cosyn Wexsteen
Candidate au doctorat en télédétection, Géomatique appliquée
Université de Sherbrooke

Pour accéder à l’ouvrage original:
Yao, F., Livneh, B., Rajagopalan, B., Wang, J., Crétaux, J.-F., Wada, Y., & Berge-Nguyen, M. (2023). Satellites reveal widespread decline in global lake water storage. Science, 380 (6646), Repéré à https://doi.org/10.1371/journal.pone.0286552

Bien qu’ils ne représentent que 3 % de la surface du globe, les lacs stockent 87 % des ressources en eau douce sous forme liquide et à la surface de la terre. Dans un article publié en mai 2023, une équipe de chercheurs internationale constate que sur 1972 lacs et réservoirs étudiés aux quatre coins du monde, 53 % ont subi un assèchement entre 1992 et 2020. Or, un quart de la population mondiale vit proche des lacs subissant cet assèchement. Les lacs ne permettent pas seulement de fournir les ressources en eau potable nécessaires, ils représentent également un maillon clé de la chaine alimentaire. En effet, ils offrent un habitat à des espèces d’oiseaux aquatiques (canard, oie ou encore héron) et aux poissons. Enfin, ils peuvent être exploités à des fins récréatives (sports aquatiques, pêche) ou de production d’énergie.

UNE ÉTUDE BASÉE SUR DES IMAGES SATELLITES ET DES INVENTAIRES

Pour mener à bien cette étude, une base de données comprenant 1051 lacs naturels et 921
réservoirs a été créée. Les données de six programmes spatiaux de la NASA, de l’ESA (Agence Spatiale Européenne) et de l’ISRO (Agence spatiale Indienne) sont utilisées afin d’obtenir l’étendue et la hauteur d’eau (grâce aux altimètres, des outils permettant de mesurer l’altitude) de chaque lac ou réservoir. Cependant, ces étendues d’eau, pour pouvoir être détectées de manière suffisamment précise par les satellites, devaient avoir une superficie supérieure à 4 km2. Pour les réservoirs, des inventaires recensant les constructions ainsi que le degré de leur remplissage par des sédiments (sables, graviers, boues, …) ont également été pris en compte.

UN IMPACT RÉGIONAL CONTRASTÉ

À l’échelle globale, de nombreuses régions sont impactées par l’assèchement des lacs. C’est le cas, par exemple, pour l’Asie centrale, l’ouest de l’Inde, le nord et l’est de l’Europe ou encore le nord du Canada. Cependant, un quart des lacs étudiés présente une augmentation de surface, mais ceux-ci se trouvent dans des régions où un barrage a été récemment construit ou alors dans des zones isolées et peu accessibles à la population (par exemple, l’intérieur du plateau tibétain). L’assèchement des lacs et réservoirs peut entraîner des conséquences sur la biodiversité. De nombreuses espèces dépendent des lacs, pas seulement comme habitat, mais également comme source de nourriture et refuge contre la prédation.

D’autre part, malgré la construction de nouveaux réservoirs, la capacité de stockage de deux tiers des réservoirs existants s’est fortement réduite.

Dans les régions arides, 60 % des lacs et réservoirs ont subi une réduction de leur volume d’eau. Une grande partie de ces étendues d’eau proviennent de bassins subissant un asséchement dû au climat ou dont la consommation d’eau n’est pas viable en raison d’une mauvaise gestion entrainant également une baisse de la qualité de l’eau.

Dans les régions humides, la création de nouveaux réservoirs a permis de contre balancer les pertes en eau bien que la moitié de ces régions subissent un assèchement du climat et où 65 % des anciens réservoirs stockent moins d’eau.

QUELS SONT LES RESPONSABLES?

Le déclin du volume des lacs est principalement attribué à l’activité humaine, à des changements de température ou à une augmentation de l’évapotranspiration potentielle [1].

Dans le cas des réservoirs, le comblement sédimentaire est le facteur principal du déclin de la capacité de stockage, avec un impact bien plus important que les variations du régime hydrologique dépendant du climat (précipitation, évaporation, …).

DES OBSERVATIONS ESSENTIELLES POUR UNE MEILLEURE ADAPTATION

Une grande partie des objectifs du développement durable (ODD, https://unstats.un.org/sdgs/) implique de façon plus ou moins explicite la nécessité de l’accès des populations humaines aux ressources en eau. Le sixième objectif est de « Garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable » à l’horizon de 2030 (ONU, 2023). Or, actuellement presque la moitié de la population mondiale subit, au moins durant une partie de l’année, une pénurie d’eau (GIEC, 2023). D’après les prévisions du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), avec chaque degré de réchauffement, les risques liés à l’eau (pénurie, sécheresses, inondations, …) augmenteront de manière inégale sur le globe. En effet, les populations et régions les plus vulnérables seront également les plus impactées (GIEC, 2023).

Comprendre les causes et la dynamique de l’assèchement des lacs et des réservoirs pourrait aider à une meilleure adaptation des populations.

Enfin, repérer et comprendre les mécanismes d’assèchement des lacs permettraient d’anticiper les différents risques liés à cette problématique. En effet, en plus de leur rôle pour la biosphère et dans le cycle de l’eau, les lacs permettent également le stockage à long terme du carbone et du méthane. Cependant, ils peuvent être également à l’origine d’émissions de gaz à effet de serre (Canadell et al., 2021). Ces émissions sont variables temporellement et spatialement et dépendent de nombreux facteurs (taille du lac, profondeur, températures, climat, biodiversité du lac et de son bassin versant). Un assèchement des lacs pourrait donc bouleverser le rythme des émissions de certains lacs et la dynamique de plusieurs cycles biogéochimiques.

Transfert de l’eau vers l’atmosphère par évaporation et transpiration des plantes.

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