Impacts économiques et sanitaires des changements climatiques au Canada : cas de la maladie de Lyme en Ontario

Un compte rendu critique par Fleury Ouendo
Étudiant à la maîtrise en études politiques appliquées
Université de Sherbrooke

Pour accéder à l’ouvrage original:
Mac, S. et al. (2023). Healthcare costs and outcomes associated with laboratory-confirmed Lyme disease in Ontario, Canada : A population-based cohort study. Plos one, 18(6), Repéré à https://doi.org/10.1371/journal.pone.0286552

Une recrudescence de la maladie de Lyme au Canada      

Les changements climatiques augmentent la prévalence de nombreuses maladies et de nombreuses études ont été réalisées à propos de celles-ci dans les dernières années (Romanello et al., 2022). Dans leur article intitulé «  Healthcare costs and outcomes associated with laboratory-confirmed Lyme disease in Ontario, Canada : A population-based cohort study  » Mac, Evans et Pullenayegum (2023) constatent, à partir d’une revue de la littérature, que la maladie de Lyme (ML) est l’une des plus citées en Amérique du Nord dans la catégorie des maladies vectorielles [1] sensibles au climat qui gagnent en importance. Elle est causée par Borrelia burgdorferi, une bactérie transmise par les tiques à pattes noires. Les auteurs prennent notamment l’exemple de l’Ontario au Canada, province dans laquelle le taux d’incidence de la maladie est passé de 0,7 pour 100  000 personnes en 2010 à 7,9 pour 100 000 personnes en 2019. 

Comparativement à celui des autres maladies vectorielles, l’impact économique de la ML est considérable dans les régions où la maladie est constamment présente du fait des séquelles et des complications induites par la maladie. Or, l’évaluation, au Canada, du fardeau économique et sanitaire de cette maladie pour chaque patient, au niveau individuel, est encore parcellaire. L’article présenté dans ce compte-rendu vise à combler cette lacune.

Méthodologie

Les auteurs ont colligé les cas de ML confirmés en laboratoire entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2018 en Ontario. Un “groupe témoin” a aussi été constitué. Composé de personnes non infectées par la bactérie, ce groupe permet la comparaison avec le groupe de personnes infectées. Enfin, l’analyse permet l’évaluation différenciée des phases du parcours de prise en charge d’un malade atteint de la ML : 1) prédiagnostic (10 jours avant l’indexation), 2) soins aigus – soins administrés au cours de la phase initiale de la maladie – (30 jours après l’indexation), 3) soins post-aigus (31 – 180 jours après l’indexation), et 4) soins continus (délai entre la fin des soins post-aigus et la phase précédant le décès). À noter que la date d’indexation est la date à laquelle les sujets ont été sélectionnés comme cas ou témoins, en fonction du diagnostic positif ou négatif de la maladie. À noter que la date d’indexation est la date à laquelle les sujets ont été sélectionnés comme cas ou témoins, en fonction du diagnostic positif ou négatif de la maladie.

Coûts des soins de santé

Le Tableau 1 représente la comparaison des coûts des soins de santé entre les cas et les témoins.

Tableau 1  : Répartition des coûts moyens de santé pour les cas et les témoins*

PhasesCasTémoins
Prédiagnostic209 $ (181 $, 238 $)96 $ (81 $, 112 $)
Soins aigus1 084 $ (956 $, 1 212 $)260 $ (226 $, 294 $)
Soins post-aigus1 714 $ (1 499 $, 1 927 $)339 $ (1 221 $, 1 457 $)
Soins continus11 013 $ (9 854 $, 12 172 $)13 414 $ (12 622 $, 14 208 $)
*Le tableau présente entre parenthèses la minimale et la maximale des coûts.

Ces résultats démontrent que dans le “groupe témoin” les coûts moyens sont globalement moins importants. Ce “groupe témoin” est composé d’individus non exposés et ne disposant pas d’un dossier de test sérologique du fait d’un diagnostic de ML finalement écarté malgré une présomption anamnestique [2]. Toutefois, l’article ne mentionne pas les diagnostics retenus pour ces témoins. Sans oublier une possible sous-évaluation des coûts associés aux patients exposés, en lien avec l’absence de prise en compte des coûts non médicaux de la ML, notamment ceux liés aux soignants, au bien-être, à la perte de productivité et les frais à la charge du patient.

Coûts pour le système de santé

La ML ajoute un lourd fardeau au système de santé, car les personnes infectées ont plus tendance que les témoins à solliciter des soins pour la prise en charge de nombreuses séquelles neurologiques, infectieuses et articulaires avec un taux de mortalité estimé à 1,4 %. Toutefois, ces résultats peuvent être critiqués sur le plan méthodologique du fait d’un biais possible de sélection. En effet, un grand nombre de cas avait un âge relativement élevé (tranche d’âge 50-59 ans et 60-69 ans), qui pourrait être associé à des antécédents médicaux antérieurs au diagnostic de la ML et initialement méconnus du patient qui devient symptomatique par la suite. Ces antécédents médicaux peuvent ainsi représenter un facteur de confusion avec les séquelles de la ML. Pour parer en partie à cet écueil, les auteurs ont exclu les personnes ayant eu des visites médicales pour des séquelles similaires à celles de la ML un an avant leur infection.

Des leçons à tirer ?

Malgré des limites méthodologiques, les résultats de cette étude montrent que la ML est associée à des séquelles lourdes et à un coût économique important. Les maladies vectorielles sensibles au climat pourraient donc constituer un argument de poids en matière de communication climatique. En effet, ces résultats pourraient être utilisés par les organisations non gouvernementales environnementales (ONGE) canadiennes pour sensibiliser la population sur le caractère intersectionnel des changements climatiques et de la santé humaine. Ces organisations gagnent à mettre en avant les liens entre la santé humaine et la santé des écosystèmes, et montrer comment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la conservation de la biodiversité et la restauration des habitats naturels peuvent contribuer à limiter la propagation des tiques et des agents infectieux qu’elles véhiculent. En communiquant le lourd fardeau économique et sanitaire que représente la ML, les ONGE et l’État peuvent renforcer au sein de la population la légitimité des politiques publiques climatiques.

Il s’agit de maladies infectieuses transmises par des vecteurs, notamment par des insectes.

L’anamnèse réfère à l’interrogatoire médical.

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