Taxes et lois climatiques: Comment favoriser l'adhésion de l'opinion publique ?

Un compte rendu critique par Samuel Enright
Candidat à la maîtrise à l’École de politique appliquée
Université de Sherbrooke

Pour accéder à l’ouvrage original:
Bergquist, M., Nilsson H. A., Harring, N. & Jagers, S. (2022). Meta-analyses of fifteen determinants of public opinion about climate change taxes and laws. Nature Climate Change, Repéré à DOI 12.10.1038/s41558-022-01297-6

Les processus de développement et d’adoption de politiques publiques peuvent être influencés par de multiples facteurs tels que les intérêts des groupes de pression, les préoccupations politiques et sociales et l’actualité. L’opinion publique dans la mise en œuvre de politiques climatiques est aussi particulièrement importante pour assurer une mise en application et une adhésion optimale, surtout lorsque celle-ci demande un changement de comportement (régulations) ou des coûts pour la population (politiques économiques).

Pour lutter contre les changements climatiques, une part importante des gouvernements à l’échelle planétaire se mobilise – selon des niveaux d’ambition et d’actions différenciés – en émettant des politiques publiques. Dans cette optique, les auteurs, Bergquist, M. et al., se sont intéressés aux déterminants de l’opinion publique dans le cas de politiques climatiques. Pour ce faire, ils ont conduit une méta-analyse de 51 articles touchant 33 pays et 119 465 participants afin de dégager quels en sont les déterminants les plus significatifs

Les 15 déterminants identifiés par les auteurs ont été divisés en quatre catégories : les convictions spécifiques à une politique, les évaluations personnelles des CC, les facteurs psychologiques et les facteurs démographiques. Le tableau 1 regroupe, pour les 15 déterminants, les moyennes des coefficients de corrélation (r) dégagés, soit la force du lien entre le déterminant et l’opinion publique, par les 51 études.

Tableau 1  : Déterminants de l’opinion publique et coefficients de corrélation correspondant

DéterminantsCorrélation (r)Forces du lien
Perception d’équité des politiques0,65Moyen-fort
Perception d’efficacité des politiques0,54Moyen
Préoccupation face aux CC0,48Moyen
Perception du risque associé au bien-être personnel ou de la société0,31Moyen
Perception de la gravité que représentent les CC0,29Moyen
Croyance que les CC sont causés ou amplifiés par les activités humaines0,23Faible
Connaissance objective ou subjective des CC0,14Faible
Valeurs transcendantes0,26Faible
Confiance envers les institutions étatiques0,23Faible
Positionnement idéologique-0,18Faible
Valeurs individualistes-0,09Faible
Niveau de scolarité0,13Faible
Âge-0,07Absent
Revenu0,04Absent
Genre0,02Absent
LES CONVICTIONS SPÉCIFIQUES AUX POLITIQUES

Cette catégorie concerne la perception de la population et propose deux déterminants : l’équité et l’efficacité de la politique à atteindre son objectif. L’équité, soit la perception que la politique s’applique aux personnes ou organisations de manière proportionnelle à leurs responsabilités face aux CC, est le déterminant le plus influent sur l’opinion publique. L’étude montre aussi que les gens se soucient en général plus de savoir si une politique climatique est équitable pour les différents groupes et classes sociales (équité distributive) que pour eux- mêmes au niveau individuel.

Deuxième déterminant le plus influent, l’efficacité se comprend comme la perception des individus qu’une politique peut atteindre un objectif spécifique. L’étude constate que la notion d’efficacité conditionne davantage l’opinion publique pour les politiques axées sur la réduction des émissions que pour celles visant à modifier les comportements.

Évaluation personelle des changements climatiques

Cette catégorie inclut cinq déterminants et concerne les perceptions individuelles à l’égard des CC. Le niveau de préoccupation des personnes participantes face aux CC est fortement lié à l’opinion qu’elles se font d’une politique relative aux CC. La perception des risques que posent les CC sur le plan du bien-être personnel ou de la société, pour sa part, est modérément liée.

Ensuite, la perception de la gravité du problème des CC est modérément liée à l’opinion que se font les personnes participantes des politiques, tandis que la croyance que les CC sont causés ou amplifiés par les activités humaines se trouve faiblement liée. Les chercheurs soulignent toutefois que ce dernier déterminant est beaucoup plus fort en Amérique du Nord (r=0.61) qu’en Europe (r=0.17). Finalement, la perception de s’y connaître en matière de CC n’est que faiblement corrélée à l’opinion face aux politiques concernant les CC.

Facteurs psychologiques

Afin d’évaluer les relations avec les valeurs des populations, les chercheurs ont opposé deux ensembles de valeurs : Transcendantes vs Individualistes. Les personnes participantes ayant des valeurs “transcendantes” (altruisme, partage et considération pour les autres) supporteraient davantage les politiques climatiques par rapport à ceux adhérant davantage aux valeurs individualistes (avancement personnel ou qualité de vie personnelle).

Ensuite, la confiance influencerait faiblement l’opinion qu’elles se font des politiques en matière de CC. Cela étant, le positionnement idéologique des participants sur l’échelle gauche-droite est associé à un support faible à moyen. Les personnes plus à droite sur l’échiquier politique sont moins à même d’avoir une opinion favorable des politiques climatiques. C’est d’autant plus visible en Amérique du Nord (r= -0.34) par rapport à l’Europe (r= -0.15) et l’Océanie (r= -0.09).

Facteurs démographiques

Finalement, l’analyse des auteurs leur a permis de constater que les facteurs démographiques (l’éducation, l’âge, le revenu et le genre) montrent peu ou pas de lien de corrélation avec l’opinion publique. Aussi, ce sont les résultats les plus solides, car ce sont les variables pour lesquelles il y a le plus d’études.

DES CONNAISSANCES SERVANT L’UTILITARISME POLITIQUE

Les constats tirés de l’étude de Bergquist peuvent fournir des pistes pour comprendre l’état de l’opinion publique actuelle d’une politique climatique au Canada : la taxation sur le carbone. Cette mesure vise à réduire les GES en taxant les grands émetteurs d’émissions plutôt que tous les membres de la société (↑ équité).

En taxant les émetteurs, on internalise le coût de la taxe au prix du bien de consommation, créant une augmentation des prix. Bien que minime, cette augmentation est perceptible pour les consommateurs, diminuant l’impression d’équité de la politique. Le gouvernement du Canada rembourse la taxe payée par les consommateurs pour qu’ils ne soient pas affectés négativement, mais il semble y avoir une dissonance entre les remboursements reçus et la perception des citoyens sur les montants payés. La taxe est vue comme un outil économique très efficace par les chercheurs et les experts environnementaux, mais le fonctionnement et l’efficacité n’est pas aussi claire pour plusieurs consommateurs, en plus du fait que certains politiciens discréditent cet outil.

En somme, une bonne communication misant sur l’atteinte des objectifs et l’équité permettrait à la population de comprendre une politique, de constater son efficacité et ainsi d’améliorer son adhésion, notamment alors que les réglementations et les taxes sont souvent impopulaires.

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