Au cours de la dernière année, le Québec a connu une mobilisation sans précédent et menée par les jeunes. Uni.e.s pour exiger des actions à la hauteur de la crise climatique, les collectifs Pour le futur au secondaire, le Devoir environnemental collectif (DEC) au niveau collégial et La planète s’invite à l’Université (LPSU) ont mené des actions de manière soutenue pendant des mois, avec pour moment fort les quelques 150 000 personnes manifestant dans les rues de Montréal le 15 mars 2019. Des jeunes leaders féminines nous parlent de leurs demandes et de leurs espoirs.
Nous remercions Catherine Gauthier, directrice générale d’ENvironnement JEUnesse pour ces propos recueillis auprès de jeunes leaders en environnement.
Joséphine Bertoux, 16 ans, Montréal, Collège international Marie de France
Ça ne sert plus à rien de le nier ; les changements climatiques sont imminents et il faut absolument agir ! Nous n’avons plus le temps de tourner autour du pot : selon les rapports alarmants des scientifiques, il ne nous reste que onze ans avant que cette crise globale ne devienne irréversible.
Je m’appelle Joséphine Bertoux et je suis membre du Devoir Environnemental Collectif (DEC), une organisation créée par des étudiant.e.s du CÉGEP. Constatant que les mesures environnementales mises en place au Québec sont largement insuffisantes, nous nous inquiétons pour le futur de notre planète. Cependant, si nous sommes alarmistes, nous restons optimistes : nous pensons que si les gouvernements et les citoyen.ne.s prennent les mesures écologiques nécessaires, nous pouvons arriver à contrer le problème grandissant des changements climatiques.
Tout d’abord, nous pensons que le gouvernement devrait faire de l’environnement une priorité d’action. Par exemple, nous revendiquons un arrêt immédiat et complet de l’investissement dans les énergies fossiles, d’autant plus que le Québec a plusieurs solutions de rechange à sa portée permettant la mise en place d’énergies renouvelables : il serait par exemple tout à fait pertinent d’y développer les énergies éolienne, hydraulique ou encore géothermique.
Nous lui demandons aussi de favoriser l’écoresponsabilité de la population, en bannissant notamment, comme l’a fait l’Union européenne, les plastiques à usage unique dans tous les milieux, en incorporant le développement durable dans la base de l’éducation nationale ou encore en développant les transports en commun pour inciter la population à les emprunter davantage.
Enfin, nous vous demandons, citoyen.ne.s, de vous mobiliser et d’essayer, de votre côté, de réduire votre empreinte écologique individuelle. Renseignez-vous sur l’impact environnemental des produits que vous achetez et essayez d’avoir recours à des solutions de rechange durables ; révoltez-vous publiquement contre l’inaction de vos gouvernements et, surtout, réduisez votre consommation personnelle le plus possible. Rappelez-vous que, comme chaque arbre contribue à la largeur d’une forêt, chaque action écoresponsable contribue à la lutte contre les changements climatiques !
Jeanne Peyroche, 16 ans, Montréal, Collège international Marie de France
Nous savons depuis longtemps qu’il faut trier ses déchets, prendre une douche et non un bain, etc. Certains disent que ça ne va rien changer. En effet, maintenant que nous avons tardé à agir, je pense que nous devons nous rendre compte que même si nous devons continuer à les mettre en pratique, ces habitudes ne suffisent plus! Ce n’est pas la simple bonne volonté de quelques personnes une ou deux fois par semaine qui va limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C.
Des mesures radicales et immédiates doivent être prises par les gouvernements. Ces derniers doivent mettre fin aux investissements dans les énergies fossiles pour se concentrer sur les énergies renouvelables. Ils doivent réduire les émissions de carbone. Il faut également stopper le surchauffage et la surclimatisation des centres commerciaux et des cinémas. Quant à nous, nous devons arriver à vivre sans plastique. Il faut arrêter la surconsommation, le gaspillage de masse, la consommation d’aliments venant de l’autre bout du monde, etc.
Les gouvernements ont plusieurs moyens à leur disposition pour agir : investir dans les transports en commun, ajouter des pistes cyclables, interdire les plastiques à usage unique, imposer des taxes aux chaînes qui ne respectent pas des normes strictes contre le gaspillage, mettre en place un cours dans les écoles qui sensibilise les élèves à la cause écologique et qui leur apprend ce qu’il est possible de faire ainsi que comment le faire. La lutte écologique doit devenir collective. Si nous devons toutes et tous agir à notre échelle, le gouvernement doit emboîter le pas, et ce, de manière transparente. Nous devons manger bio et local! Si nous, les consommateur.rice.s, boycottons les grosses industries commerciales et alimentaires – y compris la restauration rapide –, elles n’auront d’autre choix que de se tourner vers des solutions de rechange respectueuses de l’écologie.
Enfin, je pense que des campagnes de sensibilisation doivent continuer à prendre place, et encore plus, car oui, nous devons changer nos habitudes radicalement. Il faudra aller vers un style de vie de plus en plus minimaliste! Sans nous en rendre compte, nous vivons déjà avec beaucoup de produits inutiles. Il faut que ça change!
Rosalie Thibault, 21 ans, Montréal, McGill University
Les actions à prioriser pour lutter contre les changements climatiques devraient être en lien direct avec l’atteinte des cibles du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), soit la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES). D’emblée, l’ère des énergies fossiles se doit d’être enterrée pour laisser place à une propagation en masse des énergies vertes. Le désinvestissement de l’exploitation des combustibles fossiles est le premier pas à emboîter pour envoyer un signal clair aux industries pétrolières et gazières de se trouver une nouvelle vocation et d’enclencher la recherche et le développement de sources d’énergie renouvelable afin de rendre celles-ci accessibles à toutes et à tous. Concrètement, un réseau de transport collectif efficace et branché sur cette énergie non polluante pourrait connecter les régions entre elles, et aux centres urbains, remédiant ainsi à l’un des secteurs les plus importants en termes d’émissions de GES au Canada : le transport.
Ensuite, l’étalement urbain devrait être un champ d’action parallèle pour contrer un phénomène dévastateur des habitats naturels et de la biodiversité. Il est essentiel de faire appel à la créativité d’urbanistes pour développer des villes à haute densité plutôt qu’étendre les banlieues. L’épicerie, le travail, l’école et même la pharmacie devraient être accessibles à pied. Évidemment, l’étalement urbain n’est pas la seule raison du déclin de la biodiversité, puisque l’industrie alimentaire en est tout aussi coupable. Des flatulences de vaches à l’épuisement des populations de poissons en passant par la déforestation pour cultiver la nourriture des bovins et autres animaux d’élevage, les problèmes majeurs issus de la consommation de viande sont incontournables lorsqu’on cherche à lutter contre les changements climatiques. On pourrait pourtant y remédier en finançant l’élaboration de produits substituts comme la viande végétale ou peut-être même celle produite en laboratoire afin de réduire et éventuellement éliminer la viande animale de notre alimentation.
Ces priorités d’action ont chacune des solutions concrètes d’application pratique assez accessibles. Toutefois, ces différents moteurs de la crise climatique découlent surtout de l’engrenage de fond qu’est le système économique. Je crois donc plus que tout à l’innovation d’une économie n’étant pas en contradiction avec les lois de la nature (une croissance infinie aux dépens de ressources finies) et que la solution d’ensemble se traduit par une réforme de l’économie telle que nous la connaissons aujourd’hui.