Les grands mécanismes qui alimentent les changements climatiques, tout comme leurs conséquences globales effectives ou anticipées, sont aujourd’hui plutôt bien connus des décideurs et du grand public. La démocratisation des sciences environnementales et climatiques, l’attention médiatique et publique grandissante sur ces sujets, ainsi que la mobilisation de la société civile ont permis de mettre ce défi au cœur des préoccupations politiques et sociales actuelles.
En 2009, une équipe internationale de 26 chercheurs et chercheuses a proposé l’idée que les changements climatiques sont une composante au sein d’un ensemble de neuf barrières physicochimiques et biologiques à ne pas dépasser si l’humanité veut pouvoir se développer dans un écosystème sûr1. Si le concept des « limites planétaires » (planetary boundaries, en version originale anglaise) a ensuite été affiné, lors de plusieurs mises à jour, par la même équipe de recherche, il a également été l’objet de critiques et de controverses au sein de la communauté scientifique.
Cela dit, le concept des limites planétaires est rarement discuté dans un cadre interdisciplinaire et n’a pas encore assez percolé en dehors des milieux universitaires pour permettre un débat public sain et éclairé à son sujet. Dans ce nouveau numéro du Climatoscope, un dossier spécial propose plusieurs articles pour faire connaître et comprendre ce concept polysémique (voir l’article de T. Lefèvre), les critiques qui peuvent lui être formulées (voir l’article de Y-M. Abraham), ainsi que des solutions pour permettre d’agir au sein de ces limites (voir l’article de R. Gignac et F. Delorme). Comprendre, contextualiser, proposer : au Climatoscope, ce sont trois verbes que nous souhaitons toujours conjuguer afin que la connaissance du plus grand nombre permette l’action et non la résignation.
Un numéro marqué par la culture et la contemporanéité
« Il sera ici question de science, ce qui n’exclut pas la poésie », écrivait Hubert Reeves en 2011 dans son livre L’Univers expliqué à mes petits-enfants. Pour rappeler qu’arts et sciences sont un mariage fécond, nous avons invité une artiste à prendre l’espace de l’éditorial pour nous présenter en mots sensibles sa perception des limites planétaire. Il s’agit également d’une façon pour Le Climatoscope de souligner l’apport exceptionnel qu’a eu Hubert Reeves quant à la vulgarisation des enjeux environnementaux dans l’ensemble de la francophonie, sans jamais oublier d’y introduire une pointe de rêve et d’évasion.
Alors que les Jeux olympiques d’été viennent de se terminer à Paris, on interroge dans les pages de ce numéro les possibilités d’une gouvernance mondiale pour la durabilité et la décarbonation des grands évènements planétaires (voir l’article de D. Chia). On rappelle que le pouvoir politique contribue à organiser notre monde social et possède des leviers effectifs dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques (article de B. Arcand), tout en mettant en exergue la nature fondamentalement inéquitable de la situation socio-environnementale qui touche particulièrement les populations dont les niveaux de vie et d’émission de gaz à effet de serre sont parmi les plus faibles sur la planète (article de B. Aganze Marhegane). On soutient également que le monde du travail, par son organisation (voir l’article A. Cossette Civitella) et sa réglementation (article de L. Sajas et al.), est également un acteur puissant de transformation sociale.
« Une question fondamentale se pose d’une façon de plus en plus pressante : la crise planétaire contemporaine prendra-t-elle fin grâce à l’action déterminée des Terriens ou par leur disparition ? » (Hubert Reeves, Mal de Terre, 2003.) Ayant conscience que les crises constituent également des terreaux fertiles d’opportunités, nous souhaitons que ce nouveau numéro du Climatoscope contribue à sa mesure à la résilience mondiale et à un avenir durable.
L’équipe du Climatoscope
- Rockström et al. (2009). Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity. Ecology and Society, 14(2): 32.