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Portrait des allergies au pollen chez la population québécoise

L’arrivée du beau temps, même si toujours la bienvenue, marque également le début de la saison des allergies au pollen. Au Québec, un million de personnes souffrent chaque année de symptômes en découlant. Cet article vise principalement à présenter les résultats d’une étude réalisée en 2019 par l’Observatoire québécois de l’adaptation aux changements climatiques (OQACC, 2021). Cette enquête a été menée dans l’ensemble des régions du Québec auprès de 1 659 personnes âgées de 18 ans ou plus et ayant déclaré avoir des allergies au pollen. Le but de l’étude est de documenter les comportements adoptés par ces personnes pour diminuer leurs symptômes d’allergies.

Situation au Québec

Au Québec, la saison des allergies au pollen débute dès la fonte de la neige, en avril ou en mai. C’est le pollen des arbres et des arbustes qui prédomine à cette période de l’année. De mai à juillet, il cède sa place au pollen des graminées, comme le foin et le gazon (Canuel et Lebel, 2012). Cette famille de pollen déclenche des symptômes chez près de 63  % des personnes qui ont des allergies au pollen. De la fin juillet jusqu’aux premiers gels vers octobre, c’est le pollen des mauvaises herbes qui est présent, surtout celui de l’herbe à poux. À cet égard, le pollen de l’herbe à poux déclencherait des symptômes chez près de la moitié (47 %) des personnes allergiques au pollen.

Selon l’enquête de l’OQACC, près de 57 % des personnes allergiques déclarent avoir des allergies à au moins deux des trois grandes familles de pollen (arbres, graminées ou mauvaises herbes). Ainsi, les symptômes peuvent perdurer sur une longue période pour une grande proportion d’entre elles. Dans la même veine, un peu plus d’une personne allergique sur cinq (23 %) rapporte avoir des symptômes pour ces trois familles de pollen présentes au Québec.

L’allergie au pollen, communément appelée «  rhume des foins  », est une réaction du système immunitaire qui se produit après une exposition à une substance normalement inoffensive, telle que le pollen. De l’histamine est alors sécrétée par certaines cellules du système immunitaire, soit les mastocytes, ce qui déclenche une inflammation permettant au corps

de se protéger de substances potentiellement dangereuses. Les symptômes de cette réponse du système immunitaire incluent de la congestion et de l’écoulement nasal, des éternuements et de l’irritation aux yeux.

Un lien avec les changements climatiques ?

En 2014-2015, l’Enquête québécoise sur la santé de la population estimait qu’environ un adulte sur sept (14 %) présentait des symptômes d’allergies au pollen (Ministère de la Santé et des Services sociaux, 2019). Avec les changements climatiques, des printemps plus hâtifs et des premiers gels plus tardifs sont prévus, ce qui allongerait la période de présence de pollen dans l’air et la durée des symptômes. Selon une étude réalisée à Montréal, la floraison de l’herbe à poux est d’ailleurs passée de 42 jours en 1994 à 63 jours en 2002 (Demers, 2013). On prévoit aussi des étés plus chauds dans toutes les régions du Québec, ce qui favoriserait la propagation de certaines plantes comme l’herbe à poux dans des régions où leur présence est encore peu abondante. Les personnes habitant ces régions, notamment celles un peu plus au nord, se retrouveraient exposées à de nouveaux allergènes et pourraient ainsi développer des symptômes d’allergies compte tenu de ces nouvelles expositions (Demers, 2013).

La pollution atmosphérique a aussi un effet sur les allergies au pollen. Par exemple, une concentration plus élevée en dioxyde de carbone stimule la croissance des plantes et la production de pollen. La population est ainsi davantage exposée à des concentrations plus élevées de pollen et risque de développer des allergies au pollen, en raison de la sensibilisation. Par ailleurs, les polluants de l’air comme l’ozone, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre, le dioxyde de carbone et les particules fines dégraderaient la structure des pollens, entraînant ainsi la libération des allergènes qu’ils renferment. Ils fragiliseraient les muqueuses nasales, rendant les personnes allergiques plus sensibles à l’action des pollens (Demers, 2013).

Effets des symptômes

Sur la base de la définition utilisée par l’initiative ARIA1, dont l’expertise porte sur les allergies au pollen et sur l’asthme (Klimek et al., 2019), les résultats de l’étude de l’OQACC montrent qu’un peu plus de la moitié (59  %) des personnes qui ont des allergies au pollen présentent des symptômes sévères. Parmi celles-ci, 58  % sont dérangées par leurs symptômes au nez et 52  % par ceux aux yeux, 40 % ont des troubles du sommeil, 36  % ont des troubles de concentration, 44  % ont des problèmes de productivité au travail ou à l’école et 34  % sont limitées dans leurs activités quotidiennes, de loisir ou de sport.
De plus, environ 29 % des personnes ayant des symptômes sévères ont déclaré être irritables ou de mauvaise humeur (toujours ou souvent) lorsqu’elles ressentaient des symptômes. Enfin, 7 % ont dû s’absenter du travail ou de l’école à cause de leurs symptômes.

Traitement et médication

Les symptômes d’allergies au pollen peuvent être soulagés de plusieurs façons, par exemple en suivant un traitement de désensibilisation, en prenant des médicaments ou en limitant son exposition au pollen.

Figure 1. Proportion de personnes ayant des allergies au pollen et qui adoptent des comportements pour réduire leurs symptômes ou leur exposition au pollen.

Le traitement le plus efficace reste le traitement de désensibilisation, surtout lorsque les symptômes d’allergies sont sévères. Il consiste à exposer régulièrement la personne allergique à de faibles doses d’allergènes, et ce, sur plusieurs années. Selon l’étude de l’OQACC réalisée au Québec en 2019 auprès de personnes ayant des allergies au pollen, 16 % des répondants suivaient un traitement de désensibilisation (figure 1) et près des trois quarts (71 %) trouvaient ce traitement très ou assez efficace pour diminuer leurs symptômes (figure 2).

Figure 2. Proportion de personnes qui perçoivent très ou assez efficaces les comportements qu’ils ont adoptés.

La médication est très souvent employée pour soulager les symptômes d’allergies au pollen. En effet, environ 79  % des répondants de l’étude de l’OQACC rapportaient avoir pris des médicaments pour soulager leurs symptômes d’allergies. Plus précisément, 54  % d’entre eux ne prenaient que des médicaments en vente libre, 8  % ne prenaient que des médicaments prescrits et 17  % consommaient les deux types de médicaments (figure 1). Parmi les personnes allergiques qui ont rapporté prendre des médicaments prescrits ou en vente libre, neuf sur dix déclaraient les trouver très ou assez efficaces pour diminuer leurs symptômes d’allergies au pollen (figure 2). Les résultats de l’étude montrent aussi que plus des trois quarts des répondants rapportaient que leurs symptômes étaient entièrement ou beaucoup soulagés par la prise de médicaments, que ceux-ci soient en vente libre (77  %) ou prescrits (86  %) (ces résultats ne sont pas illustrés dans les figures).

Il est aussi intéressant de constater que, chez les personnes qui ont rapporté prendre les deux types de médicaments, 89  % trouvaient les médicaments prescrits très efficaces (41  %) ou assez efficaces (48  %), comparativement à 78  % qui trouvaient les médicaments en vente libre très efficaces (29  %) ou assez efficaces (49  %) (ces résultats ne sont pas illustrés dans la figure 2). Les résultats indiquent aussi que les personnes qui prenaient les deux types de médicaments déclaraient en plus grande proportion avoir ressenti des effets secondaires (38  %) que les personnes qui prenaient uniquement des médicaments en vente libre (23  %) ou uniquement des médicaments prescrits (29  %). En effet, qu’il s’agisse de médicaments en vente libre (p. ex. antihistaminique) ou prescrits (p. ex. corticostéroïde nasal), des effets secondaires ont été relevés. Selon la littérature, les antihistaminiques, surtout ceux de première génération (p.ex. Benadryl), peuvent causer de la somnolence.

Un plan de traitement personnalisé demeure un des avantages de consulter un professionnel de la santé lorsque des symptômes d’allergies au pollen se font ressentir. À cet effet, parmi les 26 % qui ont indiqué avoir consulté un professionnel de la santé au cours des trois dernières années (figure 1), environ 79 % considéraient que cette visite médicale avait conduit de façon efficace à une diminution de leurs symptômes d’allergies (figure 2).

Réduire son exposition au pollen

Puisque les médicaments ne sont pas toujours efficaces et qu’ils peuvent occasionner des effets secondaires, les spécialistes recommandent que les personnes allergiques adoptent des comportements préventifs pour diminuer leur exposition au pollen. Les comportements qui sont généralement recommandés peuvent se faire à la maison ou lors d’activités à l’extérieur (Gouvernement du Québec, 2020). Il est notamment suggéré d’éviter d’aller à l’extérieur lorsque les concentrations de pollen sont élevées. Malgré cela, les résultats de l’étude de l’OQACC ont indiqué que seulement 20 % des personnes qui ont des allergies évitaient de sortir (figure 1).

Toutefois, des stratégies existent pour diminuer son exposition au pollen à l’extérieur, par exemple fermer les fenêtres de la voiture ou porter des lunettes de soleil, un masque à pollen ou un filtre nasal à pollen. Selon l’étude de l’OQACC, le port d’un masque ou d’un filtre nasal à pollen figure parmi les mesures les plus efficaces. L’étude a néanmoins montré que, bien que perçus comme les plus efficaces par les répondants, ces deux comportements étaient les moins souvent adoptés : seulement 6 % et 5 % des personnes qui ont des allergies portaient un masque à pollen et un filtre nasal à pollen, respectivement (figure 1). Soulignons que 77  % et 69  % des répondants qui ont utilisé le masque et le filtre nasal rapportaient le trouver très ou assez efficace pour diminuer leurs symptômes (figure 2).

À l’inverse, les résultats révèlent que, bien que le port de lunettes de soleil soit adopté par plus de la moitié (64  %) des personnes allergiques au pollen, seulement 32  % les trouvaient efficaces pour diminuer leurs symptômes. Effectivement, même s’il est possible que l’utilisation de lunettes de soleil permette de diminuer la quantité de pollen qui se dépose dans les yeux, leur efficacité dépend de plusieurs facteurs, dont la vitesse et la trajectoire
du vent. De plus, les lunettes ne sont pas efficaces pour atténuer les symptômes nasaux associés au rhume des foins.

En outre, bien que les spécialistes recommandent de fermer les portes et les fenêtres du domicile au moment de la journée où les concentrations de pollen sont élevées, l’étude indique que seulement 51  % des répondants le faisaient. La ventilation du logement est également conseillée lorsque les concentrations de pollen sont plus faibles, soit avant le lever et après le coucher du soleil. À cet égard, 20  % des répondants pensaient, à tort, que les concentrations de pollen restaient les mêmes tout au long de la journée; 11  % ont quant à eux rapporté ignorer ce fait.

La prise d’un bain ou d’une douche et le changement de vêtements immédiatement après avoir fait une activité extérieure sont d’autres comportements permettant de diminuer la quantité de pollen qui entre dans le logement. Ils ont été adoptés par 54  % et 43  % des répondants (figure 1), et 65  % et 64  % ont indiqué que ces comportements étaient efficaces pour diminuer leurs symptômes (figure 2).

Même si leur efficacité perçue par les répondants est bonne, d’autres mesures qui peuvent être appliquées à la maison ont été adoptées par moins de la moitié d’entre eux. Notamment, seulement 37  % se nettoyaient les voies nasales avec une solution saline et environ 49  % évitaient de faire sécher leur linge à l’extérieur lorsqu’il y avait des pollens. Parmi ces personnes, respectivement 79  % et 69  % trouvaient ces comportements très ou assez efficaces pour diminuer leurs symptômes. De plus, 46  % évitaient le contact avec d’autres irritants (p. ex. fumée de tabac, odeurs de bougie ou de parfum) (figure 1), et 69  % trouvaient cette stratégie très ou assez efficace (figure 2). Selon la littérature, ces substances peuvent aggraver les symptômes d’allergies.

Finalement, seulement 19  % des participants rapportaient consulter les prévisions polliniques (figure 1). Pourtant, ces prévisions permettent de déterminer le meilleur moment pour commencer à mettre en place des comportements préventifs. Toutefois, au Québec, seulement trois stations mesurent les concentrations polliniques pouvant rendre celles-ci moins précises pour certaines régions. Les spécialistes recommandent aussi de consulter les bulletins de pollution atmosphérique (comme les avertissements de smog), puisque ces épisodes de pollution peuvent exacerber les symptômes d’allergies au pollen. Ce dernier aspect n’a pas été mesuré dans l’enquête de l’OQACC.

En conclusion

Selon l’Enquête québécoise sur la santé de la population de 2014-2015, près d’une personne sur sept manifestait des symptômes d’allergies au pollen au Québec. Parmi celles-ci, moins de la moitié (44 %) avait reçu un diagnostic médical. Bien qu’une majorité des personnes ayant des allergies au pollen prenne de la médication pour diminuer leurs symptômes ou adopte des comportements préventifs pour diminuer leur exposition, plus de la moitié (59 %) ressentait tout de même des symptômes sévères d’allergies.

Les changements climatiques, incluant la pollution de l’air, influenceront probablement la prévalence des symptômes d’allergies au pollen et leur sévérité. Il serait donc pertinent que les gouvernements et les personnes œuvrant dans le système de santé agissent dès maintenant pour informer davantage les populations à risque sur les différents traitements disponibles. La sensibilisation des personnes allergiques aux comportements qu’elles peuvent adopter pour réduire leur exposition au pollen demeure essentielle.

Il ne faut pas oublier que l’ensemble de la population québécoise, allergique ou non, peut contribuer à réduire les quantités de pollen dans l’air. Des actions peuvent notamment être posées en contrôlant la croissance
de l’herbe à poux dans sa cour et en évitant de planter près de secteurs à risque (grande densité de population) des espèces de plantes, d’arbres et d’arbustes dont le pollen est allergène (p.ex. bouleaux, peupliers, frênes).

Selon la définition de l’ARIA (Allergic rhinitis and its impact on asthma), une personne présente des symptômes sévères s’ils : ont dérangé ou perturbé son sommeil (toujours ou souvent) OU ont limité ses activités quotidiennes, de loisirs ou de sport (modérément ou beaucoup) OU ont occasionné des problèmes de concentration ou d’efficacité à l’école ou au travail (oui) OU ont dérangé la personne (très ou énormément).

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